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INVENTION ET INNOVATION

ce n'est pas la même chose…

L'invention ne mène pas toujours à l'innovation: c'en est une condition nécessaire mais jamais suffisante

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Même si l'étymologie nous dit qu' «inventer» c'est «trouver», - on dira de qui découvre un trésor enfoui qu'il en est l'inventeur-, entendant par là qu'on n'est l'inventeur que de ce qui existe déjà, le sens courant du mot est devenu largement plus positif, plus dynamique: inventer # créer, découvrir; ce sens évoque l'imagination, la nouveauté complète. L'inventeur n'est plus seulement celui qui détecte ce qui est, mais aussi celui qui crée. Il y a un côté « Professeur Nimbus » dans l'invention. Et l'on reconnaît volontiers ce rôle au chercheur, au savant, au créateur, à l'apporteur d'idées.

Toute entreprise a besoin de ces « Think Tank » pour y puiser éventuellement. Brasser des idées, enregistrer des suggestions, évoquer des hypothèses, bâtir des scénarios dans des conditions parfois fort éloignées de la réalité est un indispensable stimulus pour s'aider à y voir clair. Avant de tracer son chemin, il importe d'imaginer l'ensemble de la forêt.

Ces créateurs là sont rarement dans l'entreprise; ils représentent un luxe que peu d'institutions peuvent se payer. Et pourtant il lui faut les détecter, les connaître, les repérer, les intéresser, les écouter; il lui faut tenter de lier connaissance avec eux, d'avoir un contact régulier, de les suivre, tout en sachant que ces «inventeurs» ne s'achètent guère alors pourtant qu'il leur faut bien vivre. Traditionnellement, une partie d'entre eux relèvent de l'Etat, financeur de la recherche fondamentale. Les intéresser relève d'une pratique au quotidien allant du mécénat à la relation directe stimulée par l'intérêt intellectuel. La mise en place et le maintien de ce type de relations est coûteux, surtout en temps, et fragile. Les liens intuitu personnae sont essentiels. Voilà une relation qui n'apparaît pas dans les charges des comptes de R & D.

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Et l'innovation là dedans ? L'innovation est ailleurs. Certes, elle a besoin d'idées, de pistes...mais elle est avant tout mise en œuvre, si possible profitable, de procédé. Elle est traduction opératoire de suggestions. Et qui dit opératoire, dit identification des obstacles à la mise en œuvre. Ceux là sont de deux types:
- Ceux dont on parle: les obstacles techniques
- Ceux qu'on n'évoque guère: les obstacles organisationnels.
A quoi sert-il de proposer un nouveau produit, meilleur, moins cher, plus performant, si par ailleurs la preuve est faîte que le client n'en voudra pas dans un délai ad hoc? La dérive classique consiste à penser que parce qu'un produit est « meilleur », il va être préféré. Les enthousiastes de l'innovation sont toujours les fans de la technique; en France, surtout dans les PME, le poids de la culture de l'ingénieur est tel que bien souvent, « l'invention géniale » est systématiquement assimilée à un progrès, à une voie vers laquelle il faut aller.

Quand on analyse des innovations qui ont réussi, c'est a dire qui ont permis la création de nouveaux marchés profitables, on constate toujours l'appropriation de cette innovation par les utilisateurs; une innovation réussie s'impose mais n'est pas imposée, ne se fait pas contre. Ce processus de réussite innovante suppose des accords qui dépassent de loin les acteurs de l'entreprise. C'est justement cette acceptation par un réseau d'acteurs les plus divers (des experts aux clients finaux en passant par les fournisseurs ...) qui fera de l'invention une innovation.
L'innovation entraîne aussi rupture: ruptures avec des techniques, des règles, des valeurs, des modes de produire avant que ne se recrée, avec le temps, un accord stable. Emporté par l'enthousiasme de l'invention - ou de l'inventeur- les managers de l'innovation négligent très souvent ces enjeux là, sources de tensions entre équipes, entre personnes, entre clients entre les divers partenaires de l'entreprise. Rupture est toujours un mot fort, peu adapté au contexte général et quotidien de l'entreprise; ces ruptures entraînent des incertitudes: que vont devenir les coûts des produits, les usages ? Comment vont se modifier les comportements des utilisateurs ?

L'innovation réussie implique le pilotage d'un ensemble d'interactions: puisque l'on déplace les frontières organisationnelles pour aboutir à un produit innovant, on fabrique de la résistance. L'innovation suppose la maîtrise de capacités d'argumentation dans des réseaux polymorphes, souvent mal identifiés au départ parce qu'ils vont changer; les acteurs «déboulonnés» par l'innovation font d'autant plus de résistance qu'ils ont moins de substitutions possible. Innover ici ce peut être, aussi aider ces acteurs à aller ailleurs.
Tout ceci présuppose que l'organisation soit à même de supporter ces incertitudes, d'être ouverte à la pratique en réseaux, à même de gérer les conflits d'intérêt qui découleront fatalement de l'innovation réussie.

Force est de constater que l'on est, là, bien loin de la grande réussite sur le boulevard du progrès technique. Comme le notait la photo de l'humoriste: « Rue du progrès voie sans issue »




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